Base arrière du 13ème Régiment de Dragons Parachutistes "VILLA ROSE" route de Rouïba à AIN TAYA plaine de la Mitidja ALGERIE
La journée du 22 avril 1961 vécue par un appelé du Contingent
Le soleil qui venait de se lever, annonçait une radieuse journée.Ma garde de nuit prenait fin, sans rien de particulier à signaler, si ce n'est au loin, au cours de la nuit, un trafic de véhicules un peu anormal.
A 6 heures, direction les cuisines qui se trouvaient à la ferme en contre bas, à quelques centaines de mètres, pour y percevoir le petit déjeuner des résidants de la tente 56.
Cette tente assise sur un socle en béton, située sous des arbres bien à l'ombre, à cinquante mètres de la "Villa Rose" occupée par mes camarades du service des effectifs du trésorier et par moi-même faisait bien des envieux.
Tout en faisant le trajet, je réfléchissais sur l'avancement des travaux de la construction qui venait de sortir de terre, et devant loger une quinzaine de Dragons. J'en avais fait les plans et étais chargé de la réalisation avec mon équipe du casernement.
Les fenêtres déjà terminées ainsi que les fondations, nous en étions au montage des murs en agglos. C'était un challenge qui me tenait à coeur, il s'agissait de reloger rapidement et decemment des camarades qui occupaient encore un poulailler désaffecté où malgré plusieurs traitement massif des cloisons en Torchis au DDT, la vermine ne voulait pas lâcher prise, avec en surplus à proximité la sortie de l'égout venant de la "Villa Rose", où une colonie importante de rats avait élue domicile, et qui la nuit venue troublait le sommeil des habitants du poulailler.
Un camarade ayant été mordu à l'oreille, un concours de tir sur rat à la carabine US fut même organisé et plusieurs beaux tableaux de chasse réalisés.
Arrivé aux cuisines le transistor qui normalement à cette heure sur radio ALGER donnait des informations ne diffusait que de la musique militaire. Tout le monde trouvait dela anormal, mais personne n'en connaissait la raison.
De retour à notre tente, il n'y eut pas le traditionnel "Au jus, Debout là dedans". Je mis simplement mon transistor en marche à fond, c'est la marche des Africains qui réveilla la chambrée.
Durant le petit déjeuner pris à une vitesse grand V nous essayâmes de capter une radio métropolitaine tout en suivant ALGER sur un transistor différent.
Rapidement nous sûmes que des évènements d'une extrême gravité avait eu lieu à ALGER.
Le téléphone arabe sur l'ensemble de la base arrière se mit à fonctionner. Les plus folles informations circulaient chacun commentant à sa façon et selon ses convictions, la situation.
Une radio métropolitaine ayant annoncé que tous les régiments parachutistes participaient au Putsch, mais que la marine restait fidèle au gouvernement, quelques jeunes recrues arrivées de France et qui se trouvaient à la ferme prirent peur, et sont allées se réfugier chez les fusilliers marins à Sirocco Cap Matifou avec armes et bagages.
On raconta que le 1er REP avait pris Maison Blanche et qu'il recherchait des volontaires pour sauter sur Paris. Certains d'entre nous voulaient descendre sur ALGER pour voir ce qui s'y passait. Une situation de plus en plus confuse ou tout pouvait arriver. Il y avait les partisans du Putsch et de l'Algérie française, les sans opinions, et ceux restés fidèles au Général De gaulle. Le lieutenant CAPERET Trésorier du régiment Commandant la base arrière en remplacement du Capitaine CAZAJOUS major du régiment alors en permission en Métropole fit rassembler l'ensemble des services.
Prenant la parole, il nous dressa le tableau de la situation et par des propos apaisants su faire baisser la tension. Déclarant attendre des ordres, nous pria de reprendre le travail, ce qui se fit sans problème majeur.
Sur notre chantier de construction le rendement ne fut pas celui d'une journée normale de loin. Il ne fallait surtout pas faire trop de bruit car nous écoutions les nouvelles sur 3 transistors différents, tout cela en travaillant. Trop de bruit il n'y avait pas, car la colle se faisait à "l'os" pas de bétonnière.
Une visite de l'adjudant chef L'AUVERGNIER dit affectueusement la "guêpe" m'informa que le lieutenant CAPERET me demandait en son bureau à la "Villa Rose". Cela ne me surpris qu'à moitié. Déjà à Tarbes au CI du 1er RHP pendant 12 mois, puis à AZAZGA "KABYLIE" pendant 6 mois j'avais été un de ses secrétaires Comptable, nous nous connaissions bien, je dirais même qu'une certaine complicité existait entre nous.
Sans préambule il me dit : il faut mettre l'Etendard du régiment en sécurité. On ne sait pas ce qui peut se passer, avec tout ce "merdier". Nous nous rendîmes au PC, une villa distante d'une centaine de mètres. Villa occupée par le capitaine CAZAJOUS major du régiment et occasionnellement par notre chef de corps le lieutenant colonel DU SERECH quand il n'était pas avec le régiment en opérations.
L'ETENDARD du régiment se trouvait dans une grande pièce avec bureau, bien en évidence dans son armoire vitrée.
Le lieutenant CAPERET et moi-même convîmes que le meilleur endroit pour cacher notre Etendard serait sous le parquet sous le bureau.Je suis allé quérir l'outillage nécessaire, et promptement me mis à l'ouvrage :
- Le parquet fut proprement démonté
- L'ETENDARD du Régiment religieusement préservé
- Dans sa cache fut déposé.
Le parquet remis en place, un tapis recouvrant l'endroit et sur le tapis le bureau, il était impossible de déceler quoi que se soit.
Dans la matinée du 22 avril 1961, L'ETENDARD du 13ème Régiment de Dragons Parachutistes a disparu.
Quand le calme et la sérénité au régiment furent revenus L'ETENDARD dans toute sa splendeur mais sans mon aide est réapparu.
Quelques jours après, la construction entreprise par l'équipe du Casernement fut abandonnée. Nous quitâmes AIN TAYA pour KOLEA remettre en état plusieurs bâtimens passablement dégradés pas nos amis parachutistes coloniaux, à qui on avait annoncé en relève un régiment non T.A.P.
Plus tard en Juillet 1961 KOLEA- ALGERIE
Témoignage du Brigadier SINGERLE Roland, Au moment des faits Responsable du casernement de la base arrière du 13 eme RDP.
En juillet 1961 eurent lieu d’importantes manifestations PRO-FLN, dans le secteur de CASTIGLIONE et KOLEA.
Les services administratifs de l’Escadron de commandement et des services « Base Arrière » du 13° Régiment de Dragons Parachutistes, qui avaient pris leur quartier depuis le putsch d’avril à KOLEA sous les ordres du Capitaine CAZAJOUS major du régiment comptaient au plus une cinquantaine de dragons.
Les manifestations ayant débutées dans la matinée à Koléa, le couvre feu fut instauré à 12 heures afin d’éviter des affrontements et des exactions vis-à-vis de la population pied noire et surtout de protéger ces derniers (KOLEA comptait environ 22000 habitants dont 2300 pieds noirs.)
Notre mission faire respecter le couvre feu, a été facilitée par le renfort de quelques Ferret du 3eme Escadron stationné à CASTIGLIONE.
La crainte d’intrusions d’éléments FLN la nuit une fois venue, des embuscades furent montées et tenues sur toutes les routes et chemins accédant à KOLEA.
L’équipe du casernement (6 dragons et son brigadier) reçut l’ordre de monter son embuscade à la sortie de KOLEA sur la route menant à Fouka. A part les moustiques déchaînés cette nuit là, un musulman sentant fort la vinasse et causant fort qui déambulait sur la route fut neutralisé puis relâché au petit matin. (Vrais ivrogne ou sonnette du FLN ? la question reste posée).
Le lendemain a eu lieu les obsèques d’un musulman victime des affrontements de la veille.
La mission de mon groupe était d’éviter tout débordement, d’interdire au cortège le centre ville, et de canaliser la foule à un endroit bien précis.
Un nombre que l’on peut estimer à 400, 500 personnes participait à ces obséques.Femmes et enfants poussés à l’avant par une organisation présente, mais invisible, le cortège scandait YA-YA-FLN accompagné par des cris et les YOU-YOU des femmes.
Sur le point d’être débordé par cette foule très hostile, j’ai donné l’ordre à mon groupe de décrocher en précédant l’avant du cortège direction le cimetière.
C’est alors que le Piper qui survolait KOLEA signale la présence d’un drapeau FLN recouvrant le corps du défunt porté à dos d’homme et entouré par une masse d’hommes particulièrement agitée. Ordre a été donné par le Capitaine CAZAJOUS de récupérer le drapeau.
J’ai alors vu le Brigadier Jean-Marie GRASSE, debout sur le capot d’une jeep, qui non sans mal s’est frayé un passage au milieu de cette foule déchainée, tel un félin, bondir et arracher le drapeau, envoyant par le même le corps d’un côté et le cercueil de l’autre.
Cet incident donna lieu à une mini manifestation d’hostilité vite maîtrisée, et à l’arrestation d’une douzaine de meneurs et de meneuses qui furent transférés sur BLIDA en cours d’après midi.
PS : Jean-Marie GRASSE secrétaire comptable auprès du trésorier était le gardien de but de l’équipe de Foot de la base arrière du 13° RDP. A présent membre de l’UNP Metz et délégué général adjoint du Souvenir Français de la Moselle.
Roland SINGERLE
Président d’honneur UNP 572